En 2019, le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est encore loin d’être acquis dans tous les pays du monde. Au contraire, directes ou indirectes, les attaques à l’encontre de la liberté des femmes à disposer de leur corps se multiplient. A la veille du 28 septembre, journée internationale pour la dépénalisation de l’IVG, cet article fait le point sur la situation actuelle du droit à l’IVG dans le monde.

Aux Etats-Unis, des reculs à répétition…

Selon l’Institut Guttmacher qui défend le droit des femmes à l’IVG [1], depuis le début de l’année 2019, 28 des 50 Etats américains ont mis en place plus de 300 nouvelles règles afin de limiter l’accès à l’avortement. Par exemple, le 15 mai 2019, l’Alabama a promulgué la loi anti-IVG la plus restrictive du pays. Seule exception autorisée : la possibilité d’avorter en cas de danger vital encouru par la femme. Autrement dit, la législation de l’Alabama criminalise l’IVG, même en cas de viol et d’inceste [2]. En Louisiane et en Géorgie, la loi interdit désormais l’IVG dès que les battements de cœur peuvent être détectés, soit dès la 6ème semaine de grossesse [3].

Les pays d’Europe ne sont pas épargnés…

Citons quelques exemples de pays d’Europe où le droit à l’IVG est menacé, tant au niveau législatif que dans la pratique.

En Italie, la loi autorise la pratique de l’IVG jusqu’à 12 semaines de conception. Mais, dans la pratique, l’accès à l’IVG pour les femmes est particulièrement difficile. En effet, au niveau national, 70% des gynécologues et des sages-femmes invoquent la clause de conscience pour ne pas pratiquer l’IVG [4]. Ce chiffre atteint 87% en Sicile et même plus de 90% dans la région de Rome [5]. Précisons que, le Code de déontologie médicale en Belgique énonce qu’« hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a toujours le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles » [6].

En Hongrie, l’IVG est autorisée jusqu’à 12 semaines de grossesse. La femme qui en fait la demande doit définir la « crise grave » qu’elle traverse et participer à deux entretiens avec un-e assistant-e social-e afin de pouvoir y avoir recours. Malgré cette loi, l’IVG est difficilement accessible en pratique. En effet, en 2012, « la protection de la vie dès la conception » a été introduite dans la Constitution et depuis 2017, le gouvernement mène une politique nataliste qui promeut le soutien à « l’enfantement » [7].

En Pologne, l’IVG n’est autorisée que dans 3 situations : en cas de viol, de malformation du fœtus ou de danger pour la santé de la femme. Des propositions de loi visant à l’interdire en cas de malformation du fœtus ont été déposées ces dernières années [8]. Le 28 juin 2019, un rapport de la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, recommandait d’ailleurs à la Pologne de garantir l’indépendance de son système judiciaire et de rendre l’avortement accessible à toutes les femmes [9]. Afin de contrer ces initiatives anti-IVG, des manifestations dans tout le pays se multiplient ainsi que d’autres actions militantes comme la mise en place d’un jeu vidéo « Fantastic foetus » défendant le droit à l’IVG.

Dans le monde, les pays qui interdisent totalement l’IVG sont les suivants [10] :

  • En Asie: les Philippines, les îles Palaos ;
  • En Afrique: le Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau, le Gabon, le Congo, Madagascar, Djibouti, la Mauritanie, l’Archipel des Comores ;
  • Amérique latine : le Salvador, Haïti, Honduras, le Nicaragua, la République dominicaine et le Suriname ;
  • En Europe: Malte, Andorre, le Vatican, Saint-Marin.

Interdire l’IVG n’empêche pas et n’empêchera jamais les femmes de la pratiquer.

Interdire l’IVG n’en diminuera pas le nombre. Au contraire, si les lois n’autorisent pas l’IVG, les femmes se tournent vers des pratiques clandestines, non-médicalisées et donc dangereuses pour leur vie et leur santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [11], on estime à environ 25 millions le nombre d’avortements à risque pratiqués dans le monde chaque année, pour la plupart dans les pays en développement.

Et en Belgique?

Depuis 1990, l’IVG est autorisée par la loi. Cette année-là, la loi Lallemand-Michielsen dépénalisa partiellement l’IVG. Autrement dit, toujours inscrite dans le Code pénal dans la partie consacrée aux « crimes et délits contre l’ordre des familles et la moralité publique », l’IVG était autorisée si elle était pratiquée sous certaines conditions imposées par la loi. Si ces dernières n’étaient pas respectées, les médecins et les femmes étaient passibles de sanctions pénales (amendes et peines de prison).

Le 15 octobre 2018, une nouvelle loi relative à l’IVG a été adoptée en Belgique. Toutefois, même si l’IVG a été sortie du Code pénal pour faire l’objet d’une loi particulière [12], les sanctions pénales à l’égard des femmes et des médecins en cas de non-respect des conditions ont été maintenues. En conservant ces sanctions pénales et par conséquent en ne reconnaissant pas l’IVG comme une véritable question de santé publique, le législateur a renforcé la stigmatisation autour de l’IVG.

De plus, dans la nouvelle loi, le délai légal dans lequel l’IVG peut être pratiquée en Belgique a été maintenu à la fin de  la 12ème semaine de conception. Ce délai a été conservé alors que, chaque année, entre 500 et 1000 femmes se rendent aux Pays-Bas car elles ont dépassé ce laps de temps. En outre, soulignons que la mesure consistant à imposer un délai de 6 jours de réflexion entre le premier entretien et l’IVG n’a pas été assouplie.

A la veille des élections européennes, fédérales et régionales, la plateforme Abortion Right dont notre Fédération fait partie a d’ailleurs sorti un mémorandum revendiquant de réelles avancées en matière de droit à l’IVG en Belgique [13]. Cette plateforme demande, entre autres, l’abrogation de la loi du 15 octobre 2018 relative à l’IVG et l’adoption d’une nouvelle loi relevant du droit médical, rattachée à la loi du 10 mai 2015 relative aux soins de santé et à la loi du 22 août 2002 sur les droits de la/du patient-e.

En Europe, quels sont les exemples à suivre ?

Au centre de l’Union européenne, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas résistent aux attaques et optent pour une politique volontariste en faveur des droits des femmes. La Suède est aussi un exemple à suivre [14].

En France, l’IVG est autorisée jusqu’à la 12ème semaine de grossesse sur demande. Depuis 2013, l’avortement est entièrement pris en charge par la Sécurité sociale et par l’Aide médicale d’Etat pour les femmes sans sécurité sociale. Fin 2016, le Sénat a adopté l’extension du délit d’entrave à l’IVG en vue de lutter contre les pratiques de désinformation, notamment sur internet. En effet, en France, il existe de nombreux sites web tels que ivg.net, ecouteivg.org ou encore afterbaiz.com qui sont des sites web gérés par des anti-choix [15]. Ces sites désinforment non seulement sur le sujet mais exercent aussi une pression psychologique et culpabilisante sur les femmes et leur entourage en matière d’IVG. De plus, ils ne se présentent pas de manière directe et transparente comme étant gérés par des anti-choix mais plutôt comme des sites alimentés par des scientifiques.

Au Grand-Duché du Luxembourg, l’IVG est autorisée sur demande jusqu’à la 12ème semaine de grossesse. Depuis 2014, l’IVG ne fait plus partie du Code pénal. L’IVG y est intégralement remboursée par la Sécurité sociale.

Aux Pays-Bas, l’IVG est autorisée sur demande de la femme sans que la loi précise un délai. Toutefois, le Code pénal assimile à un infanticide le fait de tuer un fœtus viable. Dans la pratique, l’IVG est ainsi souvent limitée à 22 semaines d’aménorrhée.

En Suède, l’IVG est possible à l’initiative de la femme enceinte avant la fin de la 18ème semaine de grossesse. Après ce délai, elle est autorisée si le fœtus n’est pas viable ou si la santé ou la vie de la femme est en danger. Notons aussi que la loi suédoise ne reconnaît pas de clause de conscience au personnel soignant.

« Mon corps m’appartient » ou encore « Un enfant, si je veux, quand je veux et avec qui je veux » sont des slogans que les associations défendant le droit à l’IVG mais aussi le grand public vont encore scander dans les prochains mois et les prochaines années et ce, afin que TOUTES les femmes puissent accéder à des IVG légales et sûres, sans pression sociale ni stigmatisation.

[1] « Avortement dans le monde : les femmes risquent gros », rtbf.be, 15 mai 2019, https://www.rtbf.be/info/monde/detail_avortement-dans-le-monde-les-femmes-risquent-gros?id=10221328

[2] « Etats-Unis : Non, l’avortement n’est pas un crime ! », rubrique « Le blog » sur le site de la Soféliawww.sofelia.be, 15 mai 2019, https://www.sofelia.be/etats-unis-non-lavortement-nest-pas-un-crime/

[3] « En Arkansas, le droit à l’avortement toujours plus menacé », madamelefigaro.fr, 22 juillet 2019, http://madame.lefigaro.fr/societe/en-arkansas-le-droit-a-lavortement-toujours-plus-menace-220719-166185

[4] « En Italie, le droit à l’avortement est-il sérieusement menacé ? », rfi.fr, 12 octobre 2018,  http://www.rfi.fr/emission/20181012-italie-reconsidere-le-droit-ivg-une-terrible-nouvelle-droits-femmes

[5] Julie Papazoglou, « La clause de conscience comme arme anti-IVG », Espace de libertés, février 2019, https://www.laicite.be/magazine-article/clause-de-conscience-arme-anti-ivg/

[6] Article 28 du Code de déontologie médicale. https://www.ordomedic.be/fr/code/chapitre/relations-avec-le-patient

[7] « Satut fœtus, IVG : les menaces d’un retour à un « ordre naturel » », laicite.be, 21 décembre 2018, https://www.laicite.be/statut-foetus-ivg-menaces-dun-retour-a-ordre-naturel/

[8] « Pologne : un pas vers l’interdiction de l’IVG en cas de malformation du fœtus », bfmtv.com, 19 mars 2018, https://www.bfmtv.com/international/pologne-un-pas-vers-l-interdiction-de-l-ivg-en-cas-de-malformations-du-foetus-1399722.html

[9] « Le Conseil de l’Europe met en garde la Pologne contre de nouvelles atteintes à l’IVG », rtbf.be, 28 juin 2019, https://www.rtbf.be/info/monde/detail_le-conseil-de-l-europe-met-en-garde-la-pologne-contre-de-nouvelles-atteintes-a-l-ivg?id=10258303

[10] Guillaume Agnès, Rossier Clémentine, « L’avortement dans le monde. État des lieux des législations, mesures, tendances et conséquences », Population, 2018/2 (Vol. 73), p. 225-322. DOI : 10.3917/popu.1802.0225. URL : https://www.cairn.info/revue-population-2018-2-page-225.htm

[11] Organisation mondiale de la santé (OMS), « Prévention des avortements à risque », 26 juin 2019, https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/preventing-unsafe-abortion

[12] Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse, abrogeant les articles 350 et 351 du Code pénal et modifiant les articles 352 et 383 du même Code et modifiant diverses dispositions législatives, 15 octobre 2018, http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2018101503&table_name=loi

[13] Mémorandum Abortion Right « Un droit à l’interruption volontaire de grossesse pour toutes les femmes », 2 mai 2019, www.sofelia.be, https://www.sofelia.be/memorandum-abortion-right-un-droit-a-linterruption-volontaire-de-grossesse-pour-toutes-les-femmes/

Pour connaître les revendications de la Soféliaen matière d’IVG : https://www.sofelia.be/nos-dossiers-thematiques/dossier-interruption-de-grossesse-ivg/#ftoc-heading-20

[14] Centre d’Action Laïque, « Etat des lieux de l’avortement en Europe », juin 2019, https://www.laicite.be/app/uploads/2019/07/avortement-en-europe-2019.pdf

[15] E. Malcourant, « Les stratégies de communication des anti-IVG : quelles réactions ? », analyse Soralia, 2017, http://www.femmesprevoyantes.be/wp-content/uploads/2017/11/Analyse2017-strategies-de-communication-anti-IVG.pdf

Y aller

Pour davantage d’informations sur la contraception, consultez notre dossier thématique « Contraception ».

Y aller